Cela va finir par devenir une spécialité de la Comédie-Française, qu'on aurait tort de croire paisiblement endormie sous les arbres du Palais-Royal. Petit rappel des faits pour ceux qui ne suivent pas:
-Printemps 2006: l'administrateur (=directeur) de la maison, Marcel Bozonnet, déprogramme la pièce de Peter Handke que devait donner la troupe, en raison de la sympathie pour Milosevic affichée par son auteur;
-Eté 2006: le même Marcel Bozonnet se voit brutalement privé du prolongement de son mandat qui lui avait été assuré par le ministre (dont l'inélégance n'étonnera personne); il est remplacé par une actrice de la maison, Muriel Mayette, qui y avait fait aussi plusieurs mises en scènes dont certaines bonnes. (à titre personnel, je ne regretterai pas M. Bozonnet, mais là n'est pas la question). Des journaux comme Le Monde, qui n'ont rien à faire en cette période estivale, consacrent à l'affaire un certain nombre d'articles.
-Printemps 2007: la polémique fait rage entre la même Muriel Mayette et le frère-héritier de Bernard-Marie Koltès, au sujet d'une question de détail sur la distribution d'un rôle dans Le Retour au désert : un personnage arabe doit-il forcément être interprété par un acteur arabe? La pièce est donc menacée de retrait de l'affiche, la Comédie-Française ne disposant que d'un contrat pour 30 représentations.
Je ne prendrai pas plus avant position sur ces débats, en tout cas ici; mais je ne cacherai pas mon plaisir devant ces quelques soubresauts. Bien sûr, je me réjouis bien plus des succès de cette institution qui, pour moi, veut toujours dire quelque chose (comme le Cyrano de Bergerac remarquable qui continue encore et toujours à faire salle comble). La culture objet de polémique, même restreinte à quelques journaux parisiens, cela n'est pas si anodin.
La conception dominante actuelle, y compris chez de nombreux critiques, est que la culture, ce n'est au fond qu'une forme un peu plus noble du divertissement et qu'au fond l'essentiel c'est qu'on passe une bonne soirée (ce qui est aussi l'argument-roi des vendeurs de soupe à la manière TF1). Je suis sûr que j'aurai encore bien d'autres occcasions de dire que cette conception n'est pour moi pas même discutable. Si la culture n'est rien d'autre que du divertissement, si l'opéra, la musique, le théâtre ne sont que des moyens d'occuper sa soirée pour spectateurs un peu plus fortunés qu'ailleurs, à quoi bon les subventionner? S'il faut défendre la culture, ce n'est pas simplement parce qu'on aime ça (évidemment, la culture est morte sans le plaisir), mais parce qu'elle fait sens, parce qu'elle est un reflet critique de la société - qu'elle est donc, évidemment, totalement politique*. La culture endormie, non soumise au débat, ça ne sert à rien; même si les postulats des trois débats évoqués ne sont pas forcément des plus profonds, ils ont au moins le mérite de perturber les rouages bien huilés de la culture institutionnelle. Et les intellectuels, Dieu merci, c'est à ça que ça sert: perturber.
*Ce n'est pas parce que nous sommes en période électorale que vous me ferez l'injure de croire que je veux parler de jeux de partis ici. La politique, c'est l'art d'organiser la vie en commun, c'est donc une composante éternelle et consubstantielle de toute société; le jeu des institutions et des partis n'en est que la matérialisation contingente, d'ailleurs indispensable et pas si sale qu'on le croit.
mardi 27 mars 2007
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