mardi 5 janvier 2010

La révolte des tutus - De la modernité de la danse classique

Je l'avoue, je n'accorde pas suffisamment d'attention aux commentaires postés sur ce blog, même si je les lis avec grande attention ; mais je n'aime guère plonger au fin fond des messages pour répondre, ce qui est mal. (Au passage, les commentaires sont désormais modérés pour éviter les spams que j'ai reçus ces derniers temps, mais je publierai tous les commentaires réels si désagréables qu'en soit le contenu).

J'ai reçu récemment, sur ce message, un commentaire à vrai dire quelque peu agressif, mais intéressant, et j'y réponds par ce biais.

L'auteur du commentaire a cliqué sur le lien qui figure en bas de mes messages sur le forum http://www.forum-dansomanie.net/ (où mon pseudo, pour des raisons sans intérêt, est nabucco) et est tombé sur ce blog. Me voilà donc considéré pour mon incarnation forumesque comme "très traditionaliste voire réactionnaire". C'est très intéressant, même si totalement faux : mon honorable correspondant n'a pas dû se rendre compte que, si je critique les baudruches McGregor ou Maliphant, j'aime aussi Keersmaeker, Cunningham, Bausch et bien d'autres, quand ce n'est pas Jan Fabre. Ne peut-on aimer la danse classique sans être réactionnaire ? Ne peut-on, de plus, aimer la danse classique sans pour autant devoir la justifier par les prouesses gymniques de Mlle Guillem et de ses épigones Simkin ou Osipova ?

La danse classique a toute sa place dans le monde artistique contemporain, comme tout genre artistique qui a produit des chefs-d'oeuvre. Le risque de conservation dans le formol, de mignardise, d'empoussiérage, existe en danse classique, plus que partout ailleurs peut-être. Ce à quoi j'appelle pour maintenir en vie ce genre infiniment fragile, en quête perpétuelle de son identité, et passionnant précisément pour cela, ce n'est pas ce qu'aimerait peut-être mon aimable correspondant (ses propos sont hélas trop peu développés pour que j'aie une certitude), une orientation vers le show, vers le spectaculaire, vers la rapidité.

Ce dont je rêve, c'est d'une introspection, d'un retour à des sources qui existent, mais qui ont été enfouies sous des générations de compromis. Cela s'est fait pour la musique baroque depuis un demi-siècle, et le résultat a été la révélation d'une musique qui paraissait d'une incroyable modernité, d'une audace, d'une vie inconnue, une fois délivrée de la gange de pompe qui l'avait si longtemps enserrée et l'avait conduite à un oubli partiel qui, pour ce qu'on pouvait précédemment en entendre, paraissait on ne peut plus justifié. En danse, une telle démarche a déjà été entreprise, comme le montrent idéalement deux versions du Corsaire (Bolchoi et Ballet de Bavière) reconstruites plus ou moins largement à partir de notations effectuées vers 1900.
Bien sûr, en danse le passage du temps est plus cruel que dans les autres arts (sinon le théâtre, plus impalpable encore), mais ces tentatives très réussies ont montré l'intérêt majeur d'une telle démarche, qui n'est pas une démarche conservatrice, mais au contraire une exploration, une redécouverte de mondes inconnus.
Cet effort, car c'en est un, pour le public et pour les danseurs, n'a pas d'autre but que de parler aux gens d'aujourd'hui, en les faisant sortir d'une routine qui les engourdit : l'ennemi, ce sont les pesantes versions soviétiques en vigueur encore aujourd'hui notamment dans les troupes russes (le Casse-Noisette de Vainonen, les Lacs des Cygnes de Sergeev [Mariinsky] et de Grigorovitch [Bolchoi]), dont s'accommodent au fond fort bien les tenants des hyperextensions et de la virtuosité gratuite.

Une dernière chose en passant : je fréquente activement le Théâtre de la Ville tout autant que l'Opéra de Paris ou autres spectacles de danse classique. L'idée que l'un de ces deux publics assez peu perméables est plus progressiste ou moderne que l'autre m'est depuis longtemps passée : le public de la danse contemporaine, lui aussi, a son abonnement depuis 20 ans, va voir les mêmes chorégraphes depuis 20 ans (même quand ils ont fini par les ennuyer), et croise au théâtre les mêmes personnes que depuis 20 ans...

1 commentaire:

  1. J'espère que vous n'avez pas manqué la Cie Hofesh Shechtern à la Ville.
    Une révélation dans le milieu londonien qui commence déja à se scléroser. J'aimerai savoir ce que vous en pensez avant la venue de Wheeldon.

    RépondreSupprimer

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