mardi 14 septembre 2010

Car la critique a aussi du cœur

Tout d'abord, laissez-moi vous raconter une petite histoire.
C'était à Salzbourg, il y a à peine plus d'un mois (ça faisait longtemps que je ne vous avais pas parlé de Salzbourg). Ce soir-là, l'excellent pianiste András Schiff offrait au public salzbourgeois, à la fois nombreux et enthousiaste, un copieux programme Schumann/Beethoven. Juste avant que le concert ne commence, entre un couple sur le côté du balcon du Großes Festspielhaus un très vieux couple. On est habitué, à Salzbourg comme partout dans le monde musical, à voir un public pas tout jeune, mais ceux-là dépassaient nos attentes : aucun des deux n'était particulièrement ingambe, mais Monsieur avait un déambulateur, et si Madame occupait un siège ordinaire, Monsieur avait réservé une place de fauteuil roulant, qu'il n'avait pas : je vous laisse imaginer avec combien de précautions les ouvreurs l'installèrent sur le plan médian du déambulateur.


Cette démonstration en soi touchante de la fragilité humaine n'aurait rien à faire sur ce blog s'ils n'avaient pas continué à attirer mon attention pendant le concert. Non par un comportement déplacé, par des bruits ou des odeurs (mais si, ça existe aussi dans les salles de concerts) déplaisants : non, simplement parce que ces deux vieillards, même vus de dos, irradiaient de bonheur, à chercher toujours la main de l'autre, à se jeter des sourires, des regards, des petits mots parfois. Bonheur d'être là, bonheur de la musique, bonheur d'être ensemble. C'est très simple, mais ça change un peu la physionomie d'un concert...
Paris, Opéra Bastille, plafond
Par ailleurs, je voulais vous signaler que les diverses critiques salzbourgeoises que j'ai rédigées cet été et dont j'avais annoncé ici la publication sont depuis plusieurs jours en ligne sur Resmusica : on y retrouve les concerts du Philharmonique de Vienne avec Riccardo Muti (et Gérard Depardieu !) et avec Riccardo Chailly, deux opéras (Don Giovanni et Elektra) et un concert qu'il eût peut-être mieux valu ne pas mentionner.

À propos de Salzbourg et de Gérard Depardieu : la saison parisienne a commencé, et comme chaque année elle commence prudemment et discrètement, d'où ce post un peu léger... Je suis en effet allé voir le concert donné par l'Orchestre Philharmonique de Rotterdam - ex-fief de Valery Gergiev - et son jeune directeur musical Yannick Nézet-Séguin (attention, site bruyant !), qui affrontaient au Théâtre des Champs-Elysées la 2e symphonie de Mahler. Nézet-Séguin s'était fait manger sans grande résistance à Salzbourg par le Philharmonique de Vienne pour le Don Giovanni susdit (avec critiques assassines à l'appui, pas seulement la mienne), et j'étais curieux de découvrir mon quasi-contemporain dans un contexte plus favorable. On a assisté à un concert honnête, mais sans génie. La comparaison avec son cadet David Afkham est éclairante : là où le disciple de Haitink dirige les idées claires, avec maîtrise et sérieux, le successeur (et disciple ?) de Gergiev joue la transe, l'enthousiasme, la spontanéité... et il en sort la même chose que dans beaucoup de concerts de Gergiev : une lecture honnête, sans fantaisie, mais bourrée d'effets inutiles, grandiloquente, bruyante.
Le rapport avec Depardieu dans tout ça ? Rien, je l'ai simplement croisé sur le chemin du théâtre, avenue Montaigne, assis sur une moto arrêtée, en train de téléphoner. Son pied n'est pas guéri.

Au passage, vous trouverez aussi sur la page de Resmusica déjà mentionnée plusieurs critiques sur le Festival de Munich : un Tannhäuser touché par la grâce de l'exceptionnel Wolfram de Christian Gerhaher et remué par un Peter Seiffert transfiguré ; un Lohengrin où Robert Dean Smith succède dignement au grand Jonas Kaufmann, mais ne dissipe pas totalement les réserves que son Siegmund parisien avait suscitées ; une nouvelle production de La femme silencieuse de Strauss où tout le talent des chanteurs et du metteur en scène ne parvient pas à sauver cette pesante pochade ; et pour ceux qui y tiennent une Tosca où l'affiche brillante et une mise en scène à mauvaise réputation se fondent en un résultat honnête mais sans éclat (et puis quelques autres choses, mais vous en avez déjà assez...).

Ouf, l'été est fini, je vais enfin pouvoir me reposer...


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1 commentaire:

  1. David Afkham est invité par le national en décembre. Les parisiens auront donc l'occasion de le voir diriger cette saison. son frère est altiste au philharmonique de Berlin, membre de l'excellent Scharoun Ensemble.
    Gerhaher est en effet un Wolfram exceptionnel, entendu pour ma part à Vienne.

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