dimanche 12 juin 2011

... à Londres, à Londres... (bis)

Londres est une ville fatigante. Non seulement on passe son temps à affronter des couloirs de métro bondés, mais en plus on ne sait plus où donner de la tête tellement l'offre culturelle est débordante. En quelques jours, j'aurai réussi à voir deux opéras, un ballet, de la musique de chambre (dont, comme premier contact avec le sympathique Wigmore Hall et sa programmation foisonnante, un très mauvais récital de violon). Sans parler des musées, dont le Victoria and Albert qui est quand même un des plus épatants musées du monde (sans parler de son non moins épatant café) : si vous voulez visiter la toute nouvelle section Moyen Âge et Renaissance, ne vous pressez pas trop, ça ne prend que 3 ou 4 heures, à condition de ne pas trop traîner dans la partie Renaissance...
Mais foin de musées, on n'est pas là pour ça.
Je voulais comme d'habitude vous parler de plein de choses différentes - balletomanes, toutes mes excuses, mais je vais me contenter d'opéra pour cette fois-ci !
En avant-goût d'une saison 2011/2012 dont je vous ai déjà vanté les mérites, quelques mots sur deux spectacles actuels, qui ont confirmé l'intérêt que, en ces temps de livre bon marché et d'Opéra de Paris démonétisé, la capitale britannique conserve.
D'abord, pompe britannique et mécénat nonobstant, on est bien au Royal Opera. Salle vaste mais humaine, loin de la crasse et de l'atmosphère étouffante du Palais Garnier ; personnel aux petits soins ; attention aux petits détails qui peuvent gâcher la vie du spectateur ; et ne parlons surtout pas du système de réservation.
Au programme donc, Macbeth de Verdi tout d'abord : la production n'est pas neuve (elle a même été donnée à Bastille à la fin des années 90), mais cela ne se voit presque pas ; elle reste intelligente, a été remontée soigneusement (ce qui est tout sauf un détail), elle apporte son lot de perspectives intéressantes sur l'oeuvre, sans bien sûr aller aussi loin que d'autres productions plus dérangeantes (à commencer par celle de Dmitri Tcherniakov à Bastille, inaboutie et inégale, mais stimulante). Le travail de Phyllida Lloyd bénéficie beaucoup de la présence de Simon Keenlyside, qui n'est pas mon chanteur préféré (euphémisme) mais m'a vraiment convaincu par son intelligence du chant et du rôle : c'est beau de voir un chanteur dans ce répertoire qui renonce aussi radicalement à l'histrionisme de tant de ses collègues (l'increvable Nucci, par exemple), et qui n'en gagne que mieux la mise. Certes, il est un peu seul dans la soirée à faire ce pari et à le réussir (comparses pas très glorieux, Lady Macbeth [Ludmila Monastyrska] dotée d'une belle voix bien conduite mais placide et sans nuances - les rares qu'elle tente nous disent qu'il vaut mieux qu'elle s'abstienne) ; mais il est soutenu par Antonio Pappano, le chef maison, que j'entendais pour la première fois et qui m'a pleinement convaincu. Comme quelques jours avant pour Kirill Petrenko à Lyon, une place d'avant-scène m'a permis de bénéficier de l'intégralité de ses abondants mugissements, mais aussi d'admirer un travail extrêmement fin, aussi plein de nuances que dépourvu d'effets, qui me confirme dans ma conviction que Macbeth comme Nabucco ou Boccanegra sont amplement préférables à d'autres opéras plus tardifs, souvent plus aimés des mélomanes purs, mais que - si peu lyricomane que je sois désormais - j'aime de moins en moins, tels Otello ou Aida, avec son orchestration épaisse et insipide.
À quelques centaines de mètres de là, le colossal Coliseum abrite l'English National Opera et en l'occurrence un des grands chefs-d’œuvre de Britten, A Midsummer Night's Dream, pour lequel je m'étais déjà déplacé à Bruxelles (très beau spectacle de David McVicar) et à Nancy (Martinoty - à oublier).
Après son magnifique Phaéton de Lully, j'attendais beaucoup de Christopher Alden : le spectacle proposé cette fois n'est pas sans intérêt, mais il donne de l’œuvre de Britten une vision trop limitée pour convaincre vraiment. Tout se passe dans une (belle) cour d'école anglaise d'il y a un demi-siècle : les garçons d'un côté, les filles de l'autre (certains en rêvent encore...). Pas de lumière, pas de ciel : au moins, Alden nous montre brillamment à quel point les rêves passéistes cachent de cauchemars réels. Mais sans vraiment accepter la complexité de l’œuvre, qui n'est certainement pas réductible à une seule atmosphère, à un seul élément. Alden est habile, son travail constamment intelligent, mais d'une certaine façon trop peu ambitieux, à force de privilégier une seule piste de lecture. L'idée forte qu'il y a derrière son spectacle concerne apparemment la pédophilie, le Duc d'Athènes parcourant avec les sentiments qu'on imagine le lieu de son traumatisme enfantin - mais une œuvre ancienne ne devient pas plus intéressante simplement parce qu'on la rattache au monde des faits divers contemporains, l'inepte Rusalka de Martin Kusej (fondée sur l'histoire de Natascha Kampusch, cette fille séquestrée pendant des années en Autriche) en étant aussi un bon exemple (j'en avais fait une critique pour Resmusica).
Bizarrement, il en va un peu de même de la lecture musicale de la partition. Tout ce qui sort de la fosse est sublime, disons-le franchement, mais aussi parfois hors sujet. À force de privilégier la mélancolie d'Obéron, le jeune chef Leo Hussain vide la partition d'une partie de sa substance, et même si on s'extasie à chaque instant sur la beauté du tissu orchestral, on finit par s'ennuyer. Les chanteurs, sans doute, viennent en partie animer cette beauté immobile, à commencer par le merveilleux contre-ténor Iestyn Davies (mais ne me faites pas croire qu'un contre-ténor peut se faire entendre aussi bien dans les vastes espaces du Coliseum sans recours à une sonorisation ?), mal appareillé avec une Tytania (Anna Christy) dépassée, et par ce cher vieux Willard White, pas très drôle mais très marquant en Bottom, qui domine toute la soirée. Je crois qu'il faudra encore que je me déplace quelque part en Europe pour profiter enfin d'un Midsummer également parfait scéniquement (c'était le cas à Bruxelles) et musicalement. Et en France, personne depuis la mise en scène de Robert Carsen à Aix il y a vingt ans ?

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