samedi 18 juin 2011

... à Londres, à Londres (ter)

Retour à Londres comme promis, avec cette fois quelques mots sur ce qui s'y passe en danse et en matière de concerts.
D'abord la danse, en l'occurrence pour un triple bill, un spectacle de trois ballets, réunis en l'occurrence par une sorte de parenté musicale, entre les Scènes de Ballet de Stravinsky, le concerto pour orgue de Poulenc et une énième version du Sacre du printemps.
Avant de commenter le spectacle proprement dit, je voudrais parler une minute de la salle, de ce Royal Opera House à la fois si aristocratique et si accessible.
Londres\DSCF2568
Bienvenue chez la reine

Oubliés, ici, l'incompétence et le manque d'amabilité des ouvreurs du Palais Garnier ; oubliés, la saleté, l'exiguïté et l'atmosphère triste et étouffante de cette salle où seuls les fantômes sont à leur aise : à Londres, vous avez de l'espace, un environnement accueillant et un personnel aux petits soins, et ce que vous ayez payé 10 ou 200 livres. Certainement le prix des consommations aux nombreux bars ne sont guère plus abordables qu'à Paris, mais au moins ce qui vous est proposé est varié et de qualité - sans compter cette providence des spectateurs que sont les carafes d'eau obligatoires dans les salles anglaises, qui vous dispensent de l'habituel dilemne entre la mort par déshydratation et la ruine totale. Bref, voilà encore une des raisons d'aller à Londres : on y est bien, tout simplement.
Le spectacle de ballet proposé la semaine dernière à midi pile (!) : le programme est très anglais, avec un obligatoire Ashton en première partie et un obligatoire MacMillan en fin de programme, les deux divinités tutélaires entourant les Voluntaries de Glen Tetley, Américain ayant beaucoup travaillé à Londres.
Scènes de ballet est sans doute l'une des partitions les plus rares de Stravinsky, et on ne l'entend jamais en concert : écrite en 1944, la pièce fait le pont entre le classicisme pur et dur (et bien ennuyeux) d'Apollon et sa réinvention au second degré dans The Rake's progress - intéressant, donc, pour l'évolution du compositeur, mais pas vraiment indispensable musicalement. La pièce d'Ashton, même bien dansée, c'est un peu la même chose : quelque part entre l'anecdotique pur de bien des ballets de cette époque et l'épure balanchinienne, elle se laisse voir sans déplaisir, mais 22 minutes, vraiment, c'est bien suffisant. Au moins, elle m'aura permis de voir, pour la première fois je crois, Sarah Lamb, qui ne m'a pas du tout déplu.
Le Sacre du printemps vu par Kenneth MacMillan, c'est autre chose. C'est sans doute le charme unique de la Grande-Bretagne que de s'autoriser des choses qui paraîtraient ridicules ailleurs : le primitivisme naïf de la danse n'a d'égal que les couleurs flower power des costumes ; même le soliste principal (Edward Watson, pour la plus grande joie de fans très démonstratifs) n'a pas grand-chose à y faire d'intéressant.
Mais le meilleur, comme il se doit, est au milieu. Je ne sais pas pourquoi on a à ce point oublié Glen Tetley, disparu en 2007 : après son Pierrot Lunaire (vu en 2005 avec Carlos Acosta), ces Voluntaries (le titre renvoie à ces espèces d'équivalents anglais de la toccata fréquents à la Renaissance) sont une œuvre poétique, rêveuse, dominée par une sorte de lune pointilliste aux délicats coloris. La chorégraphie est épuisante pour les danseurs, mais d'une enivrante apesanteur pour le spectateur, et il met en lumière de façon magnifique le couple central du ballet, formé de Marianela Nuñez et Rupert Pennefather. Vraiment, on aimerait en voir plus.


Côté musique, Londres possède bien entendu toute une série de salles de concerts : les plus grandes sont soit au Barbican, soit au Southbank Centre (Royal Festival Hall, Queen Elizabeth Hall), avec en commun une architecture peu avenante typique des années 60/70. En allant écouter Daniel Barenboim venant jouer les deux concertos de Liszt avec sa Staatskapelle Berlin dirigée par son ami Pierre Boulez au Royal Festival Hall, j'ai cela dit été frappé par le fait que, malgré son gigantisme, la salle restait relativement agréable : même au dernier rang du balcon, on n'avait pas le sentiment d'être au bout du monde, visuellement comme acoustiquement (inutile de vous dire que le concert était riche et stimulant, en confrontant les deux Liszt avec deux œuvres de Wagner, l'ouverture de Faust comme prélude idoine au diabolique n° 2, Siegfried-Idyll comme contrepoint au moins tourmenté n° 1 ; et un Boulez en belle forme à 86 ans).
Côté musique de chambre, Londres a plusieurs salles également, mais le Wigmore Hall, idéalement situé, est sans doute celui qui, par sa programmation plus encore que par son architecture plutôt quelconque, s'approche le mieux de ce qu'il faudrait à Paris : les deux concerts que j'y ai vus, un innommable récital de violon par une jeune interprète qu'il vaut donc mieux ne pas nommer et un lunchtime concert du quatuor Belcea, étaient pleins ou presque, et il y a quelque chose à y voir presque tous les jours. Les Belcea ont confirmé à cette occasion ce que je pensais d'eux : un bel ensemble de véritables chambristes, dont la sonorité n'est cependant pas la plus séduisante. Au programme, outre un quatuor de Dvořák, se trouvait ainsi le second quatuor de Janáček, chef-d'oeuvre évidemment : je n'ai pas trouvé très pertinent de le noyer dans une sorte d'élan romantique qui en atténuait les arêtes. . Mais un peu de musique de chambre à l'heure du déjeuner, n'est-ce pas, c'est de toute façon toujours bon à prendre, non ?
Restez connectés, en tout cas, pour de nouvelles aventures londoniennes : la saison prochaine sera dense !

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