lundi 22 août 2011

Salzbourg 2011 - les concerts (1)


Salzbourg, paradis de la musique contemporaine ? Mais oui, parfaitement. C’est le prodige qu’a réussi à faire Markus Hinterhäuser, responsable des concerts de 2007 à 2011 et intendant pour la seule édition 2011. Hinterhäuser, pianiste de son état, est un récidiviste. Déjà, de 1992 à 2000, il avait animé avec un complice une sorte de festival parallèle appelé Zeitfluss, à l’invitation de l’intendant de l’époque, un certain Gerard Mortier (lui-même maintes fois convaincu d’avoir dérangé avec préméditation d’honorables citoyens dans l’accomplissement lyrique de leurs fonctions digestives). Depuis 2007, le brave homme croule sous les éloges que lui vaut sa programmation, pas seulement pour la musique contemporaine, mais aussi pour la musique contemporaine. La nouveauté de cette année (on y reviendra), c’est qu’en plus de remporter un succès critique et de séduire les convaincus comme moi il aura réussi à montrer que la musique contemporaine pouvait plaire.
Prometeo à la Kollegienkirche : Mais que vois-je ? Du public ! (photo Silvia Lelli)


J’avoue avoir pensé cette année qu’il était parfaitement fou de programmer Prometeo de Nono et Macbeth de Sciarrino à raison de deux dates chacun, fût-ce en l’intime Kollegienkirche (environ 500 places) : du contemporain, mais qui plus est deux compositeurs particulièrement peu goûtés du grand public en général. Et que ce passa-t-il ? La totalité des places a été vendue sans le moindre problème, bien avant la date des concerts (donc pas à l’innocent touriste de passage), et les panneaux « cherche place » fleurissaient avant les concerts. Même pour un concert d’œuvres de Claude Vivier, encore moins familier pourtant au public salzbourgeois, les places vides étaient loin d’abonder.
Le programme de cette année était en quelque sorte construit comme une sorte de regard rétrospectif sur les quatre « Continents » qui avaient précédé ce cinquième et dernier, consacrés dans l’ordre à Scelsi, Sciarrino, Varèse et Rihm, et sur les années Zeitfluss. Prometeo avait été, en 1992, le premier projet réalisé par Hinterhäuser débutant dans l’art de la programmation. L’œuvre, sous-titrée « Tragédie de l’écoute » en opposition à un théâtre musical que Nono jugeait trop dominé par l’aspect visuel, reste encore aujourd’hui assez cryptique (que reste-t-il aujourd’hui des idéaux politiques et artistiques de cet idéaliste sans concession), et on aurait pu souhaiter que quelques éléments visuels (ne serait-ce que de sommaires projections sur le sens de chaque scène) viennent aider le parcours. Reste donc une expérience purement sonore, qui n’est pas sans tomber dans les périls de la longue durée (2 h 15 sans pause, cela peut paraître long !)
Macbeth de Sciarrino, créé en 2002, est une expérience bien plus aisément digestible, parce qu’il y a une histoire – déjà connue qui plus est – qui vient donner une structure à l’ensemble, pour peu qu’on veuille bien faire l’effort de suivre le livret (excellent) dans le programme. Certains ne l’ont pas fait, mal leur en a pris. J’ai fait une critique pour Resmusica de ce concert, je ne vais donc pas me répéter, mais il me faut quand même redire à quel point cette musique est fascinante, à quel point elle possède de gigantesques qualités dramatiques, à quel point elle mériterait d’être montée sur scène. Quel regret, aussi, que Paris ait dû prendre contact avec Sciarrino par le biais de Da gelo a gelo (Opéra de Paris 2006), avec cette mise en scène esthétique mais sans nerf de Trisha Brown, où tout se perdait dans les trop vastes espaces du Palais Garnier !
Marino Formenti et son ami Stockhausen (photo Silvia Lelli)
Ce Continent m’aura donné aussi l’occasion de revoir Continu de Sasha Waltz, que j’avais déjà critiqué pour Dansomanie, mais qui était donné dans une version légèrement différente, sans remettre pour autant en cause les équilibres globaux de la pièce ; j’ai eu l’occasion aussi de conforter mes préjugés (eh oui…) sur Claude Vivier, compositeur canadien déjà pas mal oublié et très franchement oubliable (cette spiritualité premier degré très années 70…) ; et Hinterhäuser s’est fait le plaisir de confier à son collègue Marino Formenti une intégrale des 11 premières pièces pour piano (dont la IX, que Maurizio Pollini joue régulièrement en concert) de Stockhausen (composées entre 1952 et 1961), devant un parterre cette fois plus clairsemé, complétées par une des dernières pièces, purement électronique, du même devenu entre-temps gourou paranoïaque : une belle occasion de retrouver par contraste ce qu’a été le Stockhausen des débuts de sa carrière, avec ces pièces extraordinairement inventives, des premières pièces toutes guindées de sérialisme (mais avec cette espèce de passion sous-jacente des théoriciens enthousiastes) à des constructions beaucoup plus libres.
On comprend donc bien que le public ait fait un triomphe à ces concerts si inventifs – mais attendez la suite : vous croyez qu’en pleine année Mahler il n’est pas possible de faire du neuf avec l'enfant gâté de l'année ? Eh bien, vous vous trompez…

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