À Vienne, l'arrivée de Dominique Meyer ne rend pas l'attractivité de la Staatsoper beaucoup plus puissante, en tout cas sur moi (le site est en outre très mal organisé ; il faut successivement aller voir les Premieren, puis le Repertoire, et à chaque fois descendre tout en bas de page). Parmi les nouvelles productions, seule celle d'Alcina retient plus ou moins mon attention : j'espère pour les Viennois qu'Anja Harteros, qui avait abordé le rôle titre à Munich il y a quelques années, aura cette fois apprivoisé le rôle où elle a tout ce qu'il faut pour briller, et la direction musicale de Marc Minkowski est un grand classique. Pour le reste, il faut fuir les deux productions mozartiennes confiées à Jean-Louis Martinoty : on connaît plus que de raison ses Noces de Figaro données trois ou quatre fois au Théâtre des Champs-Élysées, et ça ne donne pas envie de découvrir le futur Don Giovanni du même ; les deux autres nouvelles productions scéniques ne suscitent guère plus d'intérêt : Cardillac est une gentille œuvrette justement oubliée jusqu'à peu, et on a aucun espoir en André Engel pour monter Katia Kabanova de Janacek. Pour le répertoire, il y a souvent des distributions qui ne sont pas sans intérêt, mais il y a tellement de choses plus intéressantes à voir ailleurs, les productions ne semblant souvent pas très excitantes...
Du coup, le regard est inévitablement attiré vers la concurrence, le Theater an der Wien, dont la salle est certes un peu (beaucoup) étouffante, mais dont le programme n'est pas sans charme. Plutôt que les deux productions à stars (Madame Bartoli dans la reprise de la médiocre production zurichoise de Semele de Haendel [DVD], Môssieur Domingo, micros compris, dans une création sur mesure dont on sent d'avance qu'elle va bouleverser la musique contemporaine telle qu'on la connaît aujourd'hui), mon choix se porterait volontiers sur deux productions plus originales. Tout d'abord La Finta Giardiniera de Mozart, une comédie trop négligée qui, confiée à René Jacobs et au remarquable David Alden (encore un artiste négligé en France), devrait réveiller les spectateurs endormis par la Staatsoper. Ensuite (plus pour l'œuvre que pour la production, Keith Warner n'ayant guère marqué les esprits récemment) The Rape of Lucretia de Britten, une œuvre extraordinaire trop rare ; qui sait, peut-être parviendra-t-elle à réveiller Angelika Kirchschlager, chanteuse si autrichiennement ennuyeuse... Pour le reste, on peut éventuellement faire un tour côté Rameau, avec Castor et Pollux - pour une fois qu'une tragédie lyrique a les honneurs d'un pays germanique - ; ou côté Haendel, avec une Rodelinda qui risque d'être plus intéressant depuis une place aveugle (la distribution est intéressante, avec notamment Christine Schäfer dans le rôle titre et Malena Ernman en Eduige).
La Monnaie à Bruxelles, c'est un cas vraiment exceptionnel en Europe : depuis désormais plus de 25 ans, sous trois directeurs successifs (Gerard Mortier, Bernard Foccroule, Peter de Caluwe), la Monnaie a habitué le public européen à proposer avec des moyens qui n'ont rien à voir avec ceux de Paris, Londres ou Vienne une programmation à la fois très variée et d'une inventivité sans limites. Une maison qui a accueilli pendant longtemps Anne Teresa de Keersmaeker (et qui l'invite encore massivement la saison prochaine) mérite par ce seul fait toute mon estime. Du côté lyrique, la saison commence par une reprise d'Yvonne princesse de Bourgogne de Philippe Boesmans, que j'avais vu avec grand plaisir lors de sa création à Paris.
A l'autre bout de la saison, la nouvelle production des Huguenots de Meyerbeer sera sans doute un des événements principaux de la saison européenne : je suis assez sceptique par habitude face à ce répertoire que je connais mal, mais c'est entre autres à cause d'une tradition interprétative qui l'adosse aux pires traditions du gros répertoire (bel canto - Verdi - Puccini) - c'était le cas pour La Juive de Halévy que Gerard Mortier avait montée à Bastille avec une équipe (Pierre Audi/Daniel Oren/Neil Shicoff) totalement inadaptée. Si une production d'une telle œuvre est capable de me séduire, ce pourrait bien être celle-là : Olivier Py n'est pas, loin de là, mon metteur en scène préféré, mais on est sûr au moins de ne pas tomber dans le poussiéreux cher aux lyricomanes qui se croient propriétaires de ce répertoire ; et Marc Minkowski, lui, est clairement l'homme de la situation, et il a réuni une distribution sans poids lourds qui devrait apporter la sensibilité nécessaire au détriment des excès expressionnistes qu'on y a trop souvent plaqués.
Pour le reste, on peut aller jeter un coup d'œil sur...
- une nouvelle Katia Kabanova mise en scène par Andrea Breth (sans doute pas très moderne, mais très sensible, délicat, intelligent -anti-André Engel) ;
- un Parsifal confié au metteur en scène de théâtre Romeo Castellucci, dont j'avoue ne pas connaître le travail, mais qui possède une solide réputation de provocateur : décidément, après Krzysztof Warlikowski (Paris) et Calixto Bieito (Stuttgart) et en même temps qu'Hans Neuenfels (Bâle), voilà une œuvre qui attire les expérimentations théâtrales - c'est passionnant, dommage qu'on ne puisse pas tout aller voir... Je suis quand même un peu surpris qu'on puisse encore afficher Jan Hendrik Rootering en Gurnemanz.
- deux opéras du compositeur japonais Toshio Hosokawa (que je connais mal, mais qui est toujours plus intéressant que le convenu Bruno Mantovani qu'on nous impose tout le temps en France), tous deux confiés à des chorégraphes : reprise de la production initiale de Hanjo pour Anne Teresa de Keersmaeker, création de Matsukaze par Sasha Waltz - je verrais volontiers le premier des deux...
On peut donc difficilement dire que cette première saison mortiérienne au sud des Pyrénées est totalement passionnante, mais le temps a sans doute manqué ; la suite sera certainement passionnante...
Pour le reste, quelques informations sur...
Munich suite : pas plus de détails sur le programme de l'Opéra de Bavière, mais l'Orchestre philharmonique de Munich (PDF) a quant à lui publié sa saison, toujours confiée à Christian Thielemann : ce n'est pas passionnant, mais on a appris que ce sera l'antique Lorin Maazel, aujourd'hui un des meilleurs représentants de l'espèce des jet conductors sans idées ni audace, qui prendra la tête de l'orchestre à partir de 2012 : dommage pour ce renouvellement raté.
Bielefeld (mais oui, pourquoi pas Bielefeld ? D'autant plus que ce théâtre provincial joue Alice in Wonderland, une création récente de l'Opéra de Munich dont j'ai dû déjà parler)
Cologne
Leipzig : prochaine saison de l'Orchestre du Gewandhaus
Lyon
Münster
Nuremberg
Ratisbonne
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