Le décor de la production originale de La Source, acte II |
À Londres, le début de saison n'est pas beaucoup plus passionnant, même si je préfère tant qu'à faire un vieux Faust par David McVicar qu'un neuf par Martinoty (il n'est pas encore tout à fait sûr que je ne verrai pas la version londonienne) ; Richard Jones et son Trittico, œuvre dont je n'ai jamais vu que des bouts, m'auraient mieux été, mais les dates... (j'aime bien en particulier Il Tabarro, étonnamment sobre pour du Puccini). Mais je peux déjà avertir la terre entière de l'événement qui se prépare : en février-mars, le Royal Opera reprend la sublime production de Rusalka de Dvořák par Jossi Wieler, un spectacle-clef pour moi, qui n'a jusqu'à présent été donné que 5 petites fois à Salzbourg en 2008 : il n'y en a à Londres que 6 représentations, et la location démarre très bien ; l'ouverture des locations au grand public a lieu dès le 6 octobre, ne manquez pas cette date* !
Du côté de Munich, une seule annonce, mais pas tout à fait négligeable : première des Contes d'Hoffmann d'Offenbach mise en scène par Richard Jones le 31 octobre (je n'y serai que le 25 novembre), dans une version qu'on m'a garantie comme musicologiquement correcte, loin du tripatouillage indigne que l'Opéra de Paris reprend avec application depuis l'ère Gall. Diana Damrau fera les 4 rôles féminins, John Relyea les rôles masculins ; en Hoffmann, il reste à espérer que Rolandio Villazón aura la sagesse d'annuler avant que l'irrémédiable ait été commis.
Si nous parlons maintenant de danse, les attentes sont bien plus élevées, ce qui n'est sans doute pas bien difficile et s'explique aussi un peu par le fait que j'ai le sentiment d'avoir été un peu sevré pendant la saison précédente. Le grand événement, c'est forcément La source, première (re)création d'un ballet classique depuis la grise Paquita de Pierre Lacotte en 2001 : il était temps. Tout indique qu'il ne s'agira pas ici, sous la direction de Jean-Guillaume Bart (étoile trop tôt retirée, qui était un modèle de danse classique qui manque cruellement aujourd'hui, mais c'est hors sujet), d'une reconstruction façon Laccotte, ce qui n'est du reste pas nécessairement si grave : contrairement aux reconstructions de ballets de Petipa qui peuvent s'appuyer sur une tradition continue et surtout sur des notations chorégraphiques souvent très précises, les ballets français du XIXe siècle ne sont pas conservés en tant que tels, les reconstructions se fondent donc sur un matériel iconographique statique qui ne permet pas mieux que de vagues conjectures (ce qui n'enlève pas à Lacotte ses réussites incontestables, façon Sylphide).
Avant cela, l'Opéra aura ouvert sa saison avec une soirée constituée du retour de Phèdre de Lifar, depuis longtemps absent de la scène, et d'une création de l'ancien directeur du Bolchoi Alexei Ratmansky, dont nous avons récemment pu "admirer" le travail avec les stupides et vulgaires Flammes de Paris. Inutile donc de dire que mon enthousiasme est nettement plus modéré : Ratmansky est un chorégraphe néo-classique d'une grande force de convention, et la Psyché de César Franck dure tout de même trois gros quarts d'heure...
Côté londonien, les choses sont un peu plus excitantes : il y a d'abord cette grande fête balanchinienne qu'est Joyaux, et figurez-vous que j'y verrai deux des plus belles étoiles du Royal Ballet, Mlles Rojo et Cojocaru, toutes deux sublimes ; c'est un peu pour couronner le tout que j'ai choisi d'aller voir également un autre spectacle de ballet, mais l'enthousiasme est moindre : vous savez déjà ce que je pense de Wayne McGregor, mais comme dirait l'autre je suis brave et n'ai pas voulu fuir, et puis du moins la musique de Limen est de Kaija Saariaho, ce qui compense un peu ; j'ai un souvenir épouvantable, dans un genre d'ennui beaucoup plus classique et bien élevé, de Marguerite et Armand, que j'avais vu il y a quelques années avec Guillem et Le Riche (cette fois ce sera Rojo et Polunin) ; reste alors le Requiem de Fauré par Kenneth McMillan : j'ai un peu plus d'espoir pour ce dernier segment, mais ce n'est peut-être que de l'ignorance.
Entre ces réjouissances assez classiques, je trouverai le temps pour accompagner les derniers feux de la compagnie de Merce Cunningham, un chorégraphe que j'aurai finalement découvert fort tard, mais dont le génie s'ouvre progressivement à ma compréhension : je verrai donc trois programmes en tout, l'un à Paris en décembre, deux autres à Londres le mois prochain. Ce sera, pour autant que je sache, tout pour le contemporain (ah non, j'oubliais : Anne Teresa de Keersmaeker à Metz fin novembre pour son spectacle Bartók, une autre forme de classique...). Mais on se rattrapera.
Ce n'est en tout cas pas Munich qui rattrapera les choses : comme je vais encore une fois manquer la sublime Giselle de Mats Ek, je devrai me "contenter", si on peut dire, du Casse-Noisette encore classique, mais très intéressant, de John Neumeier.
Reste les concerts, comme toujours essentiels pour moi : je ne vais évidemment pas les énumérer en détail ; en tout cas cela commencera le week-end prochain avec quelques concerts du mini-festival de baroque sud-américain à l'Arsenal de Metz (les Parisiens auront le même à Paris au Quai Branly un peu plus tard) : j'avoue craindre un peu le folklorisme tendance "ils ont le rythme dans la peau", d'autant que les programmes détaillés ne sont pas publiés, mais nous verrons bien.
Comme d'habitude, l'orchestre joue son rôle : les deux événements sont bien sûr le concert de Pierre Boulez à la Salle Pleyel, avec un des chefs-d’œuvre du compositeur, Pli selon Pli, à ne surtout pas manquer, et les concerts de Claudio Abbado, que j'irai également voir à Londres.
J'arrête là, mais pas sans avoir intimé aux Parisiens l'ordre absolu de ne pas manquer le Liederabend que donne Juliane Banse à l'amphithéâtre de l'Opéra-Bastille le 5 octobre : on voit si peu de Liederabende à Paris que ce serait péché de ne pas profiter de l'occasion, surtout que Mlle Banse est l'une des plus sensibles interprètes de ce genre aujourd'hui. Profitez-en !
*Vous ne pourrez pas dire que je ne vous ai pas prévenus.
Les festivals de Weimar (organisé par Nike Wagner) et Bad Kissingen m'ont toujours attiré et je reviens de Weimar après y avoir passé trois jours pour écouter surtout Edwin Crossley-Mercer chanter l'oeuvre très peu connue d'Othmar Schoeck, un compositeur suisse, qui s'intitule "Lebendig Begraben" (paroles de Gottfried Keller). Hier soir j'ai pu écouter l'enregistrement sur Deutschlandradio Kultur. C'était époustouflant - de la philosophie et une satire sociale mises en musique. Je me suis demandé pourquoi ces festivals de plusieurs semaines ne semblent pas intéresser les Français.
RépondreSupprimerBonne question... Il y a certainement en partie le relatif éloignement, et surtout le fait que les gens se déplacent beaucoup plus pour l'opéra (et la danse) que pour la musique, ou alors à Berlin et Vienne. Il ne faut pas sous-estimer aussi le rôle de la presse musicale, tellement à la botte des majors que ce genre de choses ne peut pas les intéresser.
RépondreSupprimerPour ma part, j'ai bien l'intention de retourner en Thuringe prochainement, je n'oublierai pas votre publicité amicale !
Merci mille fois Rameau d'avoir avancé des raisons derrière cette apparente désintéressement pour ces festivals allemands. Je vous souhaite de vous plaire en Thuringe lors de votre prochain déplacement. Sachez aussi qu'avant l'Abschluss Konzert qui m'intéressait tant à Weimar, les danseurs de Pina Bausch dans "Palermo Palermo" ont fait des merveilles et m'ont ébloui. Après tout, Paris-Berlin en avion (1heure20) et Berlin-Weimar en ICE (deux heures et demie) ne déstabilisent pas le mélomane motivé.
RépondreSupprimerBonne Route pour Thuringe.
pour Londres, ne regrettes pas trop Il Trittico, c'est du Richard Jones très sage et très "rangé", très bien fait et visuellement magnifique, mais pas très excitant. Pour Londres toujours, tu ne signales pas die Passagierin à l'ENO la semaine prochaine (en version anglaise toutefois) ? A moins que tu n'aimes pas la musique de Weinberg ?
RépondreSupprimerBon, mais j'aurais tout de même aimé voir une fois l'oeuvre sur scène... Richard Jones est décidément quelqu'un d'étonnant, tantôt radical, tantôt trop consensuel, et j'espère vraiment que pour les Contes de Munich ce sera la version la plus audacieuse qui l'emportera, l'oeuvre le mérite! Il a déjà bien secoué le public munichois par le passé.
RépondreSupprimerPour La Passagère, je suis très hésitant. J'aurais éventuellement une date, mais je suis embêté d'une part par l'anglais, d'autre part par une certaine défiance à l'égard des compositeurs allemands de cette époque hors avant-garde : on m'a tellement fait miroiter des merveilles avec Korngold ou Hindemith avec des déceptions au bout du compte que je suis un peu échaudé.
"+/- zero" au theatre de la ville est excellent. si tu peux faire un saut c'est a ne pas rater.
RépondreSupprimeroff to basel ;)